L’été 2022 a été marqué par trois épisodes de chaleur extrême en Europe centrale. Dès la deuxième et la troisième semaines de juin, une vague de chaleur a frappé la France, l’Espagne, l’Allemagne et le sud du Royaume-Uni. Cet épisode de chaleur s’est produit exceptionnellement tôt dans la saison, avant le solstice d’été. La sécheresse était également frappante, avec de lourdes conséquences pour l’agriculture des pays du sud de l’Europe. En Italie, le manque d’humidité et les températures élevées ont mis en péril de nombreuses récoltes.
L’indice Température Humidité
L’Indice Température Humidité (THI) quantifie l’intensité des agresseurs climatiques et aide les éleveurs à surveiller le stress thermique.Il tient compte des effets combinés d’une chaleur excessive et d’une humidité relative excessive sur la santé des vaches. L’indice est exprimé sous la forme d’un score. Les vaches laitières commencent à montrer des signes de stress thermique à un ITH de 68 ou plus.
Une augmentation du THI au-dessus de 70-75 qui correspond à une température supérieure à 25°C et une HR de 50% ou plus, entraîne une diminution significative du taux de gestation des bovins. Cette diminution peut être aussi importante que 50% par rapport aux conditions climatiques optimales.
Symptômes de stress thermique chez les vaches
Les bovins présentant des symptômes de stress thermique sont plus souvent debout pour mieux supporter la chaleur. Ils halètent et transpirent et se rapprochent souvent les uns des autres et se tiennent en groupes serrés. Lorsque le stress est intense, les vaches deviennent agitées. Ils peuvent garder la bouche ouverte et respirer en tirant la langue.
Les réponses physiologiques au stress thermique sont :
- Halètement : la fréquence respiratoire augmente jusqu’au halètement. Ce mécanisme de thermorégulation implique une augmentation du refroidissement par évaporation, mais il pourrait également entraîner une augmentation du pH sanguin.
- Transpiration : également pour perdre de la chaleur par refroidissement grâce à l’évaporation.
- Vasodilatation : un flux sanguin plus important vers la peau de la vache favorise la dissipation de la chaleur corporelle.
- Augmentation de la salivation : pour mouiller le corps de l’animal.
Effet du stress thermique sur la production de lait
Le stress thermique peut représenter une préoccupation majeure pour les producteurs laitiers, car il affecte négativement à la fois la quantité et la qualité de la production. Une température et une humidité élevées entraînent une perte d’appétit qui diminue le temps de rumination.
Chez les vaches en lactation, la prise alimentaire commence à diminuer à des températures de l’air de 25 à 26 °C. En effet, la rumination est un processus générateur de chaleur métabolique, dont la diminution réduit la température corporelle, permettant aux vaches de s’adapter à des températures ambiantes plus élevées.
Cependant, à mesure que de faibles quantités de nourriture sont ingérées, la production de lait diminue également. Cet effet est particulièrement évident dans les races à haut rendement telles que la Holstein, où le stress thermique peut entraîner une réduction de rendement de 10 à 40 %.
En plus de la quantité, la qualité est également impactée. De nombreuses études mettent en évidence une diminution de la teneur en matières grasses et en protéines du lait de vaches stressées par la chaleur. Le stress thermique peut augmenter la teneur en cellules somatiques, ce qui est un indicateur d’une dégradation de la qualité du lait. En outre, des niveaux altérés de prolactine, d’hormones thyroïdiennes, de glucocorticoïdes, d’hormone de croissance, d’œstrogène, de progestérone et d’ocytocine peuvent être observés, avec d’autres effets sur la production et la qualité du lait.
Effet du stress thermique sur la reproduction des vaches
Lorsque les vaches sont soumises à un stress thermique, l’efficacité de la reproduction diminue. Le stress thermique entraîne une réduction de la durée et de l’intensité de l’œstrus et un développement folliculaire altéré, donc une baisse de la fertilité et des creux de naissance. De plus, même lorsque la fécondation a lieu, le stress thermique peut entraîner un développement embryonnaire anormal.
Ces effets sont probablement multifactoriels et liés aux altérations hormonales qui se produisent dans le corps des vaches.
En conséquence, pendant la saison chaude, le taux de fertilité chez les vaches laitières diminue dans le monde entier. L’indice Température – Humidité (THI) est un indicateur utile pour évaluer le lien entre la météo et le taux de gestation.
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Assurer le confort des vaches et préserver la production laitière
Compte tenu des effets néfastes d’une chaleur excessive, il est important de mettre en place des mesures de protection pour le cheptel laitier. Différentes pratiques peuvent aider les vaches à faire face aux températures élevées :
Augmenter l’eau disponible
Les vaches doivent augmenter leur consommation d’eau pendant les périodes de stress thermique pour dissiper la chaleur par la respiration et la transpiration. Selon des vétérinaires américains, la consommation d’eau pourrait augmenter jusqu’à 50 % en période de haute température. Si suffisamment d’eau n’est pas disponible, les vaches peuvent détourner l’eau normalement destinée à la production de lait pour la transpiration et la dissipation de la chaleur.
Améliorer la qualité du fourrage et changer ses horaires de distribution
Lors d’un stress thermique sévère, la consommation totale d’aliments et la production de lait peuvent diminuer de plus de 25 %. Changer l’heure d’alimentation pour la faire correspondre à des moments plus frais de la journée (comme le soir) et passer à une meilleure qualité de fourrage pourrait aider les vaches à faire face au stress thermique.
Fournir de l’ombre
Fournir de l’ombre est essentiel pour réduire le stress thermique. L’ombre peut réduire les charges thermiques sur le bétail jusqu’à 30 %. L’ombre naturelle fournie par les arbres est idéale mais difficile à fournir dans de nombreuses situations. Fournir de l’artificiel sous forme de structures permanentes ou portables peut représenter une alternative valable aux arbres. Une attention particulière doit également être portée lors de la conception des bâtiments d’élevage. Afin d’éviter une température excessive, les fenêtres de toit doivent être évitées et le bâtiment doit comporter des ouvertures de ventilation. Alternativement, des ventilateurs de ventilation pourraient être installés pour fournir de l’air frais pendant les périodes chaudes.
Suivre avec attention l’état de santé du troupeau
Pendant les périodes de stress élevé, le troupeau a besoin d’une surveillance supplémentaire pour une intervention rapide de l’éleveur en cas de problème de santé. Les vaches déjà vulnérables peuvent souffrir davantage pendant les périodes de chaleur et nécessiter des soins particuliers.
Des outils de suivi ont été développés pour monitorer le troupeau en tout temps. L’un d’eux est Farmlife, conçu par ITK pour surveiller la santé et la reproduction du bétail. Farmlife s’est récemment enrichi d’un nouveau service de prévision du stress thermique, Heat Adapt. Ce service s’appuie sur des prévisions météorologiques maillées utilisées pour le calcul du THI et permet aux éleveurs d’agir avant les premiers signes visibles de stress thermique pour éviter une baisse de la production laitière et des problèmes de reproduction. Les indicateurs de comportement dans Farmlife permettent de surveiller les effets des mesures prises pour atténuer le stress thermique. Enfin grâce aux informations fournies par Farmlife, l’exploitation laitière peut mettre en œuvre de nouvelles conduites appliquées par des exploitations similaires, qui ont été capables de maintenir des niveaux de production plus élevés. Ainsi l’exploitant peut augmenter la résilience par le choix des adaptations les plus pertinentes dans sa situation.
En définitive, la survie des élevages laitiers au changement climatique dépendra de leur capacité à assurer le confort des animaux et à mettre en place une stratégie d’adaptation opportune et adaptée lors d’événements extrêmes.
Agronomist and scientific editor